mardi 1 décembre 2020

Message de l'avent de l'archevêque de Bangui

 MESSAGE DE L’AVENT 2020 A LA COMMUNAUTE CHRETIENNE, AUX HOMMES ET FEMMES DE BONNE VOLONTE

Frères et sœurs,

 Et vous tous, hommes et femmes de bonne volonté,

Le temps de l’Avent, nous fait entrer dans une préparation intensive à célébrer la venue du Fils de Dieu parmi nous. Dieu vient en visite chez nous pour se faire notre hôte intérieur.

 Ce temps de l’Avent portera notre relation avec Dieu et les hommes. Dieu ne change pas, mais les hommes changent dans leur situation personnelle et plus encore dans leur situation mondiale, nationale et ecclésiale. C’est dans cette dynamique que nous sommes orientés vers notre Messie, Celui que les prophètes ont annoncé, qui viendra manifester sa sollicitude pour nous.

L’Avent 2020 à une particularité pour nous dans notre pays en général et en particulier dans notre archidiocèse. La particularité comporte ce moment décisif de la préparation spirituelle pour vivre Noël dans le contexte du Covid-19 et des élections couplées dans notre pays. Ceci convoque notre position de chrétien et le sens de notre responsabilité et de notre devoir de citoyen.

Pour ce faire, nous vous proposons la démarche suivante : un regard liturgique sur le temps de l’Avent, et à une implication pastorale.

I.              UN REGARD LITURGIQUE DU TEMPS DE L’AVENT

 Temps de l’Attente Joyeuse Chers frères et sœurs, le temps de l’Avent nous prépare à accueillir joyeusement la Lumière qui vient. Nous constatons que plusieurs semblent oublier l'aspect spirituel de cette fête alors que c’est l'incroyable mystère qui s’actualise. le Fils de Dieu s’incarne pour sauver l’humanité, non pas dans un acte passager, mais Jésus continue à naître et sans cesse renaître dans notre vie et au cœur de notre monde.

La liturgie de l’Avent nous invite à veiller, à nous tenir prêts, à nous convertir pour accueillir Celui qui vient. C’est dans les textes et les prières liturgiques que nous expérimentons la joie, car l’Incarnation du Fils de Dieu nous apporte la réconciliation, la paix et la joie du salut : « Tu le vois, Seigneur, ton peuple se prépare à célébrer la naissance de ton Fils ; dirige notre joie d’un si grand mystère : pour que nous fêtions notre salut avec un cœur vraiment nouveau». Cf. prière du troisième dimanche de l’Avent. Aussi l’Avent vient-il nous redire qu’il faut consentir à l’attente, à interroger nos besoins humains pour laisser plus d’espace à Dieu. Il nous invite à raviver notre  désir d’aller au-delà de la routine du quotidien et accéder ainsi au cœur de nous-mêmes, là où nous trouvons Dieu.

L’Avent est un temps de vigilance et d’attente joyeuse, centré sur la personne de Jésus que nous nous préparons à accueillir. Cette attente est aussi un moment d’espérance et de certitude : le Seigneur est venu, il viendra dans notre monde et dans notre vie. Notre vigilance est celle d’un cœur qui aime, d’un cœur dont l’amour souhaite ardemment la venue de Celui qui vient s’inscrire dans notre humanité.

 Nous avons tous l'expérience de l'attente : attendre une personne en retard, une lettre est importante pour nous. L'attente n'est pas seulement passive mais aussi elle est bien active. Dans le verbe « attendre », il y a le mot « tendre », avec son élan, son mouvement, son dynamisme. À notre attente de Dieu, répond l'attente de Dieu sur nous.

Temps de la Visite et de l’Accueil

 La visite de Dieu était très attendue. Les Psaumes (Ps 65, 10 ; Ps 17, 3) expriment une demande instante. Plusieurs personnages des évangiles proclament que Dieu a entendu cette prière et qu’il visite son peuple par Jésus, dès l’annonce de Jean baptiste. Ainsi, Zacharie s’écrie : « Béni soit le Seigneur, parce qu’il a visité son peuple », et plus loin : « l’astre venu de l’Orient (ou : le soleil levant) nous a visités » (Lc 1, 68 et 78). A Naïn, lorsque Jésus relève un mort, le fils unique d’une veuve, la foule s’écrie : « Dieu a visité son peuple » (Lc 7, 16). Mais au terme de sa montée à Jérusalem, Jésus a reproché à cette ville de n’avoir pas reconnu « le temps de sa visite » (Lc 19, 41ss). Marthe et Marie, au contraire, chacune à sa façon, ont reçu cette visite avec joie et empressement. (Lc 10, 38-42). Il en fut de même pour Elisabeth, qui accueillit Marie, en s’écriant : « Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi » (Lc 1, 43). Ce temps de préparation est un temps de rencontre dans un accueil réciproque qui s’opère entre Dieu et nous en son Fils notre Sauveur. Nous accueillons la visite de Dieu.

L'Avent signifie vraiment "La Venue" de la Lumière en nous, ainsi nous devons être prêts à accueillir le Don que Dieu veut déposer en nos cœurs.

 L’Avent est un temps d’accueil qui se traduit de façon visible : en initiatives, en gestes concrets, en temps donné, en attention personnelle, en rupture aussi avec certaines conventions. Jésus a fait de l'accueil un signe fort indissociablement lié à l'annonce de la bonne nouvelle pour tous.

L’accueil fait partie de la tradition biblique et s’ouvre à l’hospitalité. Nous avons l’exemple de l’accueil d’Abraham à Mambré. « Trois hommes étaient debout près de lui. Il courut à leur rencontre… et se prosterna » (Gn 18, 2-5). Tous les prophètes insistent sur l’importance de l’hospitalité : « N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, accueillir chez toi les pauvres sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtement, ne pas te dérober à ton semblable ? » (Is 58, 7).

Jésus dans les évangiles est celui qui fait de l’accueil et de l’hospitalité. «Cet homme fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux !», disent les scribes et les pharisiens au début du chap.15 de Luc. «Pourquoi mangez-vous et buvez-vous avec les pécheurs et les publicains ?» L'hospitalité que pratique Jésus est un accueil sans discrimination des malades, bien-portants, prostituées et publicains, scribes et chefs de synagogues.

 Le prologue de Jean nous dit : «Il est venu chez les siens, et les siens ne l'ont pas accueilli. Mais à tous ceux qui l'ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu.» (Jean 1, 11-12).

 Et Saint Paul invite souvent à l’hospitalité comme le Christ le ferait :  « Accueillez-vous donc les uns les autres, comme le Christ vous a accueillis » (Rm 15, 7) ou selon la lettre aux Hébreux : « N’oubliez pas l’hospitalité : elle a permis à certains, sans le savoir, de recevoir chez eux des anges » (Heb 13, 2).

 Vivre le temps de l’Avent avec des figures bibliques

Chers frères et sœurs, la liturgie de l’Avent nous fait entendre les annonces directes de la venue du Messie à travers les trois figures : d’Isaïe, Jean-Baptiste et Marie.

La figure d’Isaïe, par ses oracles, porte la voix de l’espérance d’un peuple qui a su attendre au long des siècles la réalisation des promesses de Dieu et la joie messianique. L’Avent n’a pas qu’une seule visée et le prophète Isaïe (Is 40, 1-5. 9-11) n’ouvre qu’une fenêtre, celle de l’attente eschatologique où de manière définitive « la gloire sera la demeure » de toutes les nations.

Isaïe (Isaïe 11, 1-10) nous fait aussi le portrait d’un nouveau type de société où la corruption et le mal ne sont pas tolérés ; une société où règne l’équité, la justice, la paix et la prospérité. Ceci n’est pas un rêve utopique, mais une réalité chrétienne saisie avec espoir. Nous prions pour cela chaque fois que nous disons dans la prière du Seigneur, « que ton règne vienne » (Mt 6, 10).

La figure de Jean-Baptiste nous fait entrer dans une attente plus actuelle. Une attente qui se nourrit de conversion, de changement intérieur comme mouvement d’accueil de Celui qui vient « Mt 3, 1-12). Jean Baptiste est présenté comme la figure du « petit » auquel il convient de ressembler pour être en mesure de reconnaître le passage du Christ. Il est aussi celui dont le désir est pur, vif et brûlant comme le désert qu’il traverse sans autre préoccupation que celle d’annoncer celui dont il pressent la présence et devant qui il s’efface. L’attente selon JeanBaptiste s’apparente à un travail sur soi, une ouverture à l’Esprit Saint, un élargissement du désir de la présence de Dieu.

La figure de Marie conjugue en elle l’espérance de tout Israël et l’attente du Messie. Elle s’offre pour donner corps à la promesse et s’efface aussitôt pour l’offrir au monde.

Dans l’évangile de St Luc, Jésus parle de ce qu’on peut appeler la béatitude de Marie : « Or comme il disait cela, une femme éleva la voix du milieu de la foule et lui dit : « Heureuse celle qui t’a porté et allaité ! » Mais lui, il dit : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et l’observent ! » (Lc 11, 27-28). L’attitude de Marie est de garder et de méditer la Parole de Dieu dans son cœur. (Cf. Luc 2, 19).

Le vrai bonheur, la vraie joie de Marie, c’est qu’elle écoute la Parole de Dieu et la garde, comme tous sont appelés à le faire. Elle vit en elle l’accomplissement de la promesse faite au peuple d’Israël et désormais à tous les peuples.

 La liturgie du temps de l’Avent exalte l’attitude de foi et d’humilité de Marie qui adhère totalement et avec empressement au plan de salut de Dieu. Elle met en évidence la présence de Marie dans les événements de grâce qui précédent la naissance du Sauveur.

II.            UNE IMPLICATION SPIRITUELLE ET PASTORALE

Chers frères et sœurs, voici une démarche pour le temps de l’Avent à vivre seul(e), en famille ou dans les mouvements, fraternités, et groupes de prière et au final comme communauté paroissiale. En d’autres termes, apprendre à s’offrir du temps pour soi avec Dieu au cœur de notre société.

Ecouter la Parole de Dieu

Comment se préparer à la venue du Fils de Dieu sans se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu ? Celui que nous attendons, c’est le Verbe, la Parole qui s’est faite chair. Pour vivre ce temps de l’Avent, l’attitude requise est celle  que le prophète Isaïe nous enseigne : « …Il éveille chaque matin, il éveille mon oreille pour que j’écoute comme un disciple » (Is 50, 4).

Les textes bibliques annoncent la venue du Seigneur. Ils nous demandent d’être éveillés, d’engager tous nos sens et spécialement les sens intérieurs, afin que nous puissions voir ce que le Seigneur fait et comment il provoque l’accomplissement de ses promesses.

 Prier avec les préfaces et oraisons

L’aspect eschatologique des textes liturgiques de ce temps de l’Avent, oriente l’Église vers la venue glorieuse du Christ. C’est ce que nous retrouvons dans la première préface du temps de l’Avent : « Car il est déjà venu, en prenant la condition des hommes, pour accomplir l’éternel dessein de ton amour et nous ouvrir le chemin du salut, il viendra de nouveau revêtu de sa gloire, afin que nous possédions dans la pleine lumière les biens que tu nous as promis et que nous attendons en veillant dans la foi. » Et comme préparation immédiate à la fête de Noël, la deuxième préface du temps de l’Avent, nous introduit dans l’accomplissement des promesses divines: « Il est celui que tous les prophètes avaient chanté, celui que la Vierge attendait avec amour, celui dont Jean Baptiste a proclamé la venue et révélé la présence au milieu des hommes. C’est lui qui nous donne la joie d’entrer déjà dans le mystère de Noël, pour qu’il nous trouve, quand il reviendra, vigilants dans la prière et remplis d’allégresse. »

 Entrer dans l’Avent, c’est discerner plusieurs voix

 La réalité actuelle de notre pays est marquée par plusieurs voix. A l’approche des élections, chrétiens, musulmans et adeptes de la religion traditionnelle seront convoqués à être à l’écoute de plusieurs voix qui vont retentir. Mais d’une manière concrète, l’écoute de la Parole de Dieu, nous donnera la capacité de discerner entre les différentes voix, de savoir reconnaître celles qui apportent le bonheur, le bien-être, dans le choix des candidats, pour l’intérêt du peuple centrafricain.

Il y a toujours un moment de jugement et de décision. Nous ne pouvons rester neutres en présence du Christ. Il nous demande de choisir, et c’est pourquoi nous avons besoin de la grâce pour juger sagement les choses de la terre et de tenir fermement aux choses du ciel.

 Les voix et gestes sont à nos portes : sel, argent, tee-shirts sont distribués. Ils viendront chez nous avec des belles paroles et des promesses. N’oublions pas que nos choix sont déterminants pour des leaders qui porteront nos attentes. Alors pour nous ce temps qui est délicat, nous  sommes invités à nous tenir prêts, et être des veilleurs qui scrutent les signes des temps, pour ne pas nous faire piéger.

 Dans la lettre pastorale des Evêques de Centrafrique « FAIS SORTIR MON PEUPLE » du dimanche 6 septembre 2020, à l’occasion des élections couplées, le numéro 47 nous met en garde contre certaines attitudes négatives qui manqueraient au respect des autres : « La campagne électorale ne vous offre pas l’occasion d’insulter, ni de menacer vos adversaires politiques, ni de faire pression sur les instances de gouvernance électorale (ANE, Cour Constitutionnelle), ni de faire des promesses irréalisables. Nous encourageons les débats contradictoires pour permettre aux électeurs de mieux connaître vos programmes en vue de se décider en toute connaissance de cause ».

Appel pressant aux agents pastoraux à la vigilance

 Le temps de l’Avent sera mouvementé par les campagnes électorales de différents candidats, et certains d’entre eux seront tentés de se rapprocher de vous les agents pastoraux, sollicitant vos tribunes pour passer leurs messages. Dans le même esprit des évêques de Centrafrique, vous recommande ceci : « En invitant et en formant les fidèles à la conscience civique, nous vous recommandons de rester discrets sur vos choix et vos préférences politiques. –Evitez  que les lieux de culte ne deviennent des tribunes pour les campagnes électorales diffusant des messages politiques partisanes car « il est écrit : Ma maison sera appelée maison de prière » (Mt 21, 13) ; - Appeler les fidèles à être chrétiens dans leur vote » Cf. Dans la lettre pastorale des Evêques de Centrafrique « FAIS SORTIR MON PEUPLE » du dimanche 6 septembre 2020, à l’occasion des élections couplées, n° 67.

 Entrer dans l’Avent, c’est affronter le monde des ténèbres

Notre monde est caractérisé aussi par les ténèbres de la violence, de la haine, du tribalisme qui tentent d’en prendre le contrôle. Il n’est pas facile d’accueillir dans ces circonstances Jésus Lumière. Pourtant, c’est précisément au moment de grandes ténèbres qu’il nous faut de la lumière, car l’Avent nous prépare à accueillir la Lumière qui vient. C’est le chemin de conversion !

Temps de conversion

 Nous désirons que la Lumière rayonne! Mais pour cela, nous savons qu'il nous faut changer de vie. Face à la pandémie du covid-19, nous sommes invités à revoir notre manière de vivre, aidés par les recommandations de la diocésaine (mesures barrières obligatoires: port des masques, lavage des mains et distanciation physique). Ainsi, la Lumière cachée au fond de nous pourra jaillir  autour de nous! Sur le chemin de la conversion, la prière, l'écoute de la Parole de Dieu, l'accueil et la vie communautaire paroissiale peuvent nous aider.

Temps d'espérance

Nous croyons en un monde nouveau. Nous savons que cet avenir passe par l'homme: Le Tout Autre attend de nous que nous devenions des semeurs de lumière, de paix, de pardon, de joie, d'amour, de tendresse, à l'exemple de Jésus.

 Oui, nous l’espérons fortement, malgré les ténèbres sur la terre, la Lumière va rayonner sur le monde!

Chers frères et sœurs, l’Avent nous invite à choisir et à nous mettre en route sur une nouvelle voie, celle du Seigneur. Pour préparer Noël avec tout son cœur, nous vous proposons trois espaces : un espace biblique, c’est pour découvrir des graines de la Parole de Dieu ; un espace de méditation qui permet de nourrir la réflexion et la prière et un espace de témoignage, pour rendre plus visible les différents fruits de notre expérience de l’écoute de la Parole de Dieu.

 Le temps de l'Avent est un temps d'attente, de préparation, d'accueil, de méditation, de prière, de conversions et d'espérance...Temps d'attente qui dit notre confiance, notre  fidélité mais aussi notre désir de Dieu en nous et autour de nous.

 Dans l’Avent, Dieu nous donne le temps de nous renouveler et d’établir de nouveau les valeurs vraies et durables qui informent et gouvernent nos vies. (cf. Mt 24, 37- 44)

Marie, notre Mère et Notre Dame de l’Oubangui, prends-nous par la main, et montres-nous le chemin de la venue véritable de ton Fils.

 Donné à Bangui, le 29 novembre 2020, 1er  dimanche de l’Avent

S. Em Dieudonné Cardinal NZAPALAINGA, C.S.Sp

Archevêque Métropolitain de Bangui

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