dimanche 26 avril 2020

Tchad : la crise du covid-19 révèle la fin d'un vieux monde (par Pascal Djimoguinan)


            La tradition a la vie dure et elle a du mal à changer. La société s’agrippe à ce qu’elle appelle sa tradition. Elle ne se rend pas compte qu’elle a été mise en place pour résoudre certains problèmes qui s’étaient posés. La tradition a été efficiente sur le moment mais avec le temps elle s’est sclérosée au point de devenir un obstacle pour résoudre les nouveaux problèmes.
            Aujourd’hui, la crise du nouveau corona virus 19 révèle les insuffisances des traditions, notamment des sociétés de types traditionnels. La tradition, malgré le bien qu’elle a fait dans le passé se trouve être aujourd’hui un frein dans la lutte que la même société veut entreprendre pour sa survie.
            Au Tchad, à l’instar des autres pays du monde, des mesures ont été prises pour contrer la pandémie. Ainsi, il a été décidé de respecter les gestes barrières avec, pour point d’orgue la distanciation sociale. Il est donc conseillé d’éviter tous les grands rassemblements de groupes pour éviter une diffusion exponentielle de la maladie au cas où des cas de personnes testées positives se révéleraient.
            Pour contourner toute mesure, on peut utiliser soit la rationalisation, soit l’ironie. Les tchadiens utilisent tout cela. Certains racontent que covit-19 ne tue pas au Tchad, d’autres disent qu’il n’y a pas de cas avérés dans le pays. Et les comportements qui en découlent le montrent bien.
            Certaines personnes portent des masques simplement pour le folklore mais ont par ailleurs des comportements à risque en se donnant la main pour se saluer et en ne respectant pas la distance sécuritaire dans le commerce quotidien.
            L’argument de massue utilisé est que le Tchad est un pays où on vit la convivialité depuis les temps des ancêtres et ce n’est pas aujourd’hui qu’il faut changer les choses.
            Si les bars et d’autres débits de boissons sont officiellement fermés, les gens savent comment contourner l’interdiction en se retrouvant dans des cours fermées pour boire ensemble. D’ailleurs de nouvelles expressions ont vu le jour. On dit « chercher le réseau » pour exprimer l’idée de chercher un débit de boissons. On cherche soit le « réseau Airtel » (pour la bili-bili), soit le « réseau Tigo » (pour le Djala). Les amateurs de boissons fortes, quant à eux, cherchent le « réseau farda » pour argué, l’alcool indigène distillé dans des coins à peine cachés.
            Pour ne pas changer les habitudes et pour respecter la fameuse tradition, on continue à se rassembler pour les deuils et pour les obsèques et à se visiter comme si de rien n’était.
            Jusque-là, par la chance qui poursuit les gens inconscients, il n’y a pas de contaminations à grande échelle mais le danger est là, comme l’épée de Damoclès.
            Il faut arriver à un changement de comportements, n’en déplaise les traditions séculaires. Il faut comprendre qu’on aime mieux les parents et amis en restant chez soi et en évitant tout rassemblement. On peut être, sans le savoir, un porteur de la mort. La nouvelle sagesse traditionnelle se trouve dans la distance. Tout visiteur est un criminel en puissance ; il faut se mettre cela dans la tête.
            Protégeons-nous les uns les autres en prenant au sérieux les différentes mesures qui nous sont données. Nous vivons les soubresauts d’un vieux monde qui est en train de passer. Notre monde en transition nous conduira certainement où nous ne nous attendions pas. L’après covit-19 nous réserve bien de surprises. Tâchons d’être à mesure de l’accueillir et de ne pas être les gardiens du monde révolu.



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