«
ALLEZ DIRE A SES DISCIPLES : JESUS EST RESSUSCITE DES MORTS ET VOUS PRECEDE EN
GALILEE » (Mt 28, 7)
MESSAGE
DE PAQUES 2017 de S. Em. Dieudonné Cardinal NZAPALAINGA, Archevêque
Métropolitain de Bangui à la communauté chrétienne de Bangui, aux hommes et
femmes de bonne volonté
Chers
frères et sœurs en Christ, et vous tous, hommes et femmes de bonne volonté.
La
paix du Christ !
Au
bout de la Semaine Sainte éclate la joie pascale : le Christ est ressuscité !
Le crucifié est sorti victorieux de la mort. Sa gloire nous est manifestée dans
toute sa splendeur. Dans la Pâques du Fils de l’homme nous contemplons le terme
de la vie chrétienne, l’oméga de notre cheminement avec lui. Parmi tant
d’autres, trois signes liturgiques expriment éloquemment le mystère de Pâques :
le blanc qui se substitue au violet, le gloria et l’alléluia qui réapparaissent
après avoir été tus pendant le carême. Le gloria qui est un chant de louange et
exprime la joie du peuple de Dieu en marche vers le Royaume. Il exprime aussi
le triomphe du Christ. Le gloria est plus qu’une simple acclamation de joie et
de louange. C’est un trait d’union entre le ciel et la terre. En effet, il nous
relie à la fête de Noël où il nous est donné par les anges : le ciel et la
terre acclament le Sauveur. Mais encore, l’Alléluia pascal évoque la posture
debout, posture du ressuscité et du missionné. À travers ce cri, nous exprimons
la conscience que nous avons de vivre un temps nouveau et d’être envoyé pour en
être d’authentiques témoins.
De
la mort de Jésus à la Vie en Christ
Avec
la mort de Jésus, il semble que non seulement sa vie mais aussi son œuvre soit
complètement détruite. La mort est la fin ; après la mort personne n’est encore
revenue à la vie. Maintenant qu’il est en train de mourir, ses adversaires se
moquent de lui en ces termes : « Il en a sauvé d’autres et il ne peut pas se
sauver lui-même ! Il est Roi d’Israël, qu’il descende maintenant de la croix,
et nous croirons en lui ! Il a mis en Dieu sa confiance, que Dieu le délivre maintenant,
s’il aime, car il a dit : « Je suis Fils de Dieu ! » (Mt 27, 42-43). Les
adversaires de Jésus l’ont poussé à démontrer ce qu’il prêchait, c’est-à-dire
la victoire de la vie sur la mort.
Jésus
n’est pas descendu de la croix pour sauver sa vie. Dieu n’est pas intervenu.
Jésus est mort dans la honte et le tourment. Ceci semble démontré à suffisance
qu’il n’est pas le roi d’Israël, ni le Fils de Dieu, mais plutôt un imposteur
comme l’accusaient ses détracteurs : « Le lendemain, jour qui suit la Préparation,
les grands prêtres et les Pharisiens se rendirent ensemble chez Pilate.
Seigneur, lui dirent-ils, nous nous sommes souvenus que cet imposteur a dit de
son vivant : après trois jours, je ressusciterai » (Mt 27, 62-63). C’est de
cette manière que se présentait la situation du coté de ses adversaires.
Jésus
continue encore de souffrir et d’être humilié dans la chair de ceux qui sont
ses frères. Il suffit de nous rappeler la parole adressée à Saul sur la route
de Damas : « Saul, pourquoi me persécuter ? » (Ac 9, 5). Lors du jugement
dernier, Jésus s’identifie aux touts petits qui sont ses frères : « En vérité,
je vous le déclare, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits,
qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40).
Beaucoup
de nos frères et sœurs souffrent encore terriblement de la violence. Les
nouvelles qui nous parviennent de l’intérieur du pays nous inquiètent. Il y a
une recrudescence de la violence. Les puissances du mal se déchaînent et font
des ravages. Des engins de destruction et de mort envahissent nos villes et nos
villages. Le prophète Jérémie disait à son époque : « Dans Rama on entend une
voix plaintive, des pleurs amères : Rachel pleure sur ses enfants, elle refuse
tout réconfort, car ses enfants ont disparu » (Jr 31, 15). Pour paraphraser le
prophète, nous pouvons dire qu’à Ngaoudaye, Bocaranga, Kaga Bandoro, Bambari…on
entend des cris d’abandon, des larmes amères. Le peuple centrafricain est en
pleurs car, à cause des criminels, c’est partout la désolation.
Comment
alors annoncer le message de la résurrection à ceux qui souffrent ? Comment
dire aux persécutés que Christ est ressuscité ? Comment annoncer aux bourreaux,
aux criminels la Bonne Nouvelle de la résurrection ? Comment porter ce message
du salut à tous ceux qui tirent la ficelle de ce conflit dans l’ombre ?
Certes,
quand nous sommes plongés dans le cœur de la souffrance, nous voulons une
réponse divine immédiate. Cependant, le temps de Dieu n’est pas le nôtre. Nous
sommes plutôt appelés à nous unir au Christ dans sa passion. Avec ce que je
vis, je descends dans le tombeau avec le Christ. Notre Sauveur a affronté la
mort pour la vaincre ; il est descendu dans les entrailles de la mort,
dévoilant ainsi tous ses secrets. C’est ce que nous disons dans la Séquence
avant l’Evangile à Pâques : « La mort et la vie s’affrontèrent en un duel
prodigieux. Le Maître de la vie mourut ; vivant, il règne ».
Notre souffrance ne trouve son sens que dans
notre engagement à la suite du Christ, Chemin, Vérité et Vie. Jésus dans sa
passion, nous a montrés le chemin : « En effet, qui veut sauvegarder sa vie, la
perdra ; mais qui perd sa vie à cause de moi, l’assurera » (Mt 16, 25). Jésus
durant toute sa vie, a prêché dans la vérité, il est la Vérité. Voilà un mot qui
pose problème en Centrafrique, la Vérité. Qu’est-ce que la vérité en
Centrafrique ? Permettez-moi de citer la médiation du Pape Saint Jean Paul II,
lors de la Via Crucis (Chemin de Croix) du Vendredi Saint pendant le jubilé de
l’an 2000, car à mon avis, cela nous interpelle vivement ; en plus il est le
premier Pape qui nous a rendu visite et nous avons sa relique ici en la Cathédrale. Saint Jean Paul II, en méditant
l’interrogatoire de Jésus devant Pilate disait : [« Le drame de Pilate se cache
dans la question : Qu'est-ce que la vérité ? Ce n'était pas une question
philosophique sur la nature de la vérité, mais une question existentielle sur
son rapport à la vérité. C'était une tentative de se dérober à la voix de sa
conscience qui lui ordonnait de reconnaître la vérité et de la suivre. L'homme
qui ne se laisse pas conduire par la vérité se dispose même à émettre une
sentence de condamnation à l'égard d'un innocent.
C'est
de cette façon que Jésus a été condamné à la mort sur une croix, Lui le Fils du
Dieu vivant, le Rédempteur du monde. Tout au long des siècles, la négation de
la vérité a engendré souffrance et mort. Ce sont les innocents qui paient le
prix de l'hypocrisie humaine. Les demi-mesures ne sont pas suffisantes. Il ne
suffit pas non plus de se laver les mains. La responsabilité pour le sang du
juste demeure. C'est pour cela que le Christ a prié avec tant de ferveur pour
ses disciples de tous les temps : Père, «consacre-les par la vérité: ta parole
est vérité» (Jn 17, 17)][1]
Le «
poncepilatisme » est très présent dans notre manière d’agir en Centrafrique.
Nous refusons souvent de vivre dans la vérité, nous condamnons facilement
l’innocent. Nous qui avons pouvoir de décision, le plus souvent nous gardons le
silence pour sauver nos fauteuils. Beaucoup d’innocents continuent de souffrir
et de mourir à cause du mensonge. Nous devons aimer la vérité et la vivre
jusqu’au bout. Car c’est de cette manière que nous pouvons avoir la vie.
Des
messagers de la vie et du pardon
Le jour de Pâques est porteur d’un changement.
Les femmes vont au tombeau du crucifié de bon matin. Elles l’ont suivi depuis
la Galilée, elles ont assisté à sa mort et sa sépulture. Contrairement aux
disciples qui ont pris la fuite, au moment de l’arrestation, elles sont restées
avec Jésus et sont témoins de tous ces évènements. A la première occasion,
elles n’ont pas hésité un seul instant d’aller à la tombe, en dépit du fait
qu’il s’agit d’un homme mort dans l’ignominie et le discrédit. Elles ont fait
le choix d’être fidèles à Jésus et de lui rester proches.
A la
tombe, les femmes vont vivre le tremblement de terre et l’intervention d’un
ange qui manifestent la puissance de Dieu (Mt 28, 2s). De la rencontre avec
l’ange, elles vont apprendre ce qui est arrivé à Jésus et reçoivent l’envoi
missionnaire. En effet, l’ange leur dit : « Je sais que vous cherchez Jésus le
crucifié ». En ce mot « crucifié » se résume tout ce que les hommes ont fait à
Jésus : « Le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes ; ils le
tueront » (Mt 17, 22-23). De cette manière, Jésus est devenu solidaire de tous
les hommes qui, tout au long de l’histoire, ont subi l’arbitraire et la cruauté
de leurs frères.
Dans
le message pascal, nous annonçons que Jésus est ressuscité. Dieu l’a
ressuscité. Dieu a accueilli dans sa vie éternelle et immortelle le Crucifié
qui a été tué avec violence. Ceci est un message d’Esperance pour toutes les
innombrables victimes de la violence injuste. Le Crucifié est ressuscité en
montrant ses plaies à ses disciples.
Chers
frères et sœurs de Centrafrique et de l’archidiocèse de Bangui en particulier,
ce que nous avons vécu dans notre pays a laissé des cicatrices. Pour les
ennemis de la paix, ces cicatrices sont signes de victoire. Oui, il s’agit
d’une victoire seulement apparente ; car de la même manière que Dieu est intervenu
dans la vie de Jésus Crucifié en le sauvant de la mort, à Pâques, c’est
Lui-même qui agit dans nos vies pour nous ressusciter avec nos cicatrices, pour
confondre nos adversaires. Par voie de conséquence, nos cicatrices, nos
souffrances, nos blessures retrouvent une dimension salvifique dans le
renouvellement opéré par Dieu.
Après
le tombeau, les femmes ont vite couru pour porter la nouvelle à ses disciples.
Déjà au mont des Oliviers, Jésus avait annoncé aux disciples qu’après sa
résurrection, il les précèderait à Galilée (Mt 26, 32). Cela est maintenant une
réalité. Pour les disciples, ce rendez-vous a une importance décisive. Quand
ils ont pris la fuite pendant son arrestation, d’une certaine manière, ils
avaient rompu la communion avec lui ; ils se sont séparés de lui. Mais le
Ressuscité leur accorde le pardon et la réconciliation. Il les invite et les
précède en Galilée.
Le
Ressuscité n’appelle pas de nouveaux disciples après la trahison des premiers
qu’il a choisis. Il renouvelle sa confiance en eux, il les pardonne et les
appelle frères : « Allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en
Galilée : c’est là qu’ils me verront » (Mt 28, 7). La résurrection n’est pas du
sur place ni un retour en arrière. Le Christ nous remet debout et nous ordonne
de rejoindre un lieu. Il nous met en marche. Sur la montagne du rendez-vous, il
atteste sa seigneurie sur le monde entier et nous y envoie en mission : « Allez
donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant [...] leur
apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. » Et surtout, il nous
rassure de sa présence, de sa proximité : « Et moi je suis avec vous, tous les
jours jusqu’à la fin des temps. » (Mt 28, 16s).
La
résurrection implique une mission : vivre conformément au regard que la
destinée du Fils de l’homme nous fait porter sur le monde. A partir de là, il
nous incombe de projeter un regard nouveau sur les lieux anciens : les choses
anciennes parce qu’éclairées par Jésus, nous pouvons les dépasser, les
traverser. La haine et la violence par exemple, parce qu’en Jésus j’ai appris à
les vaincre, je peux les dépasser. Nous échappons au règne de la haine pour
dorénavant nous soumettre librement au régime de l’amour.
La
nouveauté de la résurrection consiste en la prise de conscience que Jésus
aujourd’hui encore nous relève de nos peines et de nos souffrances. Jamais il
ne s’est absenté de notre société et de notre histoire récente quand bien même
le spectre de la mort donnait l’impression de régner. La proclamation de la
résurrection de Jésus implique un repartir, une reconstruction par l’action de
l’Esprit Saint. Nous acceptons de laisser le Christ reconstruire notre être,
notre conscience. Nous nous engageons à reconstruire l’amitié, la fraternité
sur le socle du cœur et de l’esprit nouveaux que Jésus nous donne. Oui, nous
acceptons de repartir, de reprendre la route qui mène à la Galilée, là où il
nous donne rendez-vous.
La
mort de Jésus en croix semblait avoir détruit sa personne et mis fin à son
œuvre. La résurrection intervient alors comme l’évènement décisif et comme la
révélation définitive. Elle montre que Dieu est à côté de Jésus et confirme en
premier lieu toute l’œuvre de son Fils. Elle montre que Jésus est le Fils de
Dieu et que 11 nous devons avoir confiance en Lui, en ses paroles et actions.
Elle montre que Jésus est le vainqueur de la mort. Elle révèle que ce ne sont
pas les hommes avec leur volonté de destruction qui ont le dernier mot. Dieu
dans son amour et sa puissance est vainqueur de la mort.
Chers
frères et sœurs,
Je
souhaite que vous puissiez vous armer de la Parole et de l’expérience de Jésus
Christ. Que l’Esprit désarme définitivement vos cœurs et vos esprits de tout
regard destructeur, de tout projet de vengeance, de toute tentative de solution
par la vengeance. Ainsi allégés, rendez-vous à la nouvelle Galilée, le
Kilomètre 5,v quartier Fondo, quartier Haoussa, Kina, Boy-Rabe, Gbangou,
Damara, bref tous les coins et recoins de notre archidiocèse. Là, vivez
désormais en frères et sœurs de Jésus, en fils et filles de la lumière en
partageant, en vous entraidant, en vous aimant. Que la Vierge Marie Notre Dame
de l’Oubangui intercède pour nous et nous accompagne sur ce chemin de la
Résurrection. Amen.
Dieudonné
Cardinal NZAPALAINGA,
Archevêque
Métropolitain de Bangui
[1]
Voici l’intégralité de la méditation du Pape Saint Jean Paul II : «Es-tu le roi
des Juifs ?» (Jn 18, 33). «Ma royauté ne vient pas de ce monde; si ma royauté
venait de ce monde, j'aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne
sois pas livré aux Juifs. Non, ma royauté ne vient pas d'ici» (Jn 18, 36).
Pilate ajouta : «Alors, tu es roi ?» Jésus répondit : «C'est toi qui dis que je
suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage
à la vérité. Tout homme qui 6 appartient à la vérité écoute ma voix». Pilate
répliqua : «Qu'est-ce que la vérité ?». À ce point, le Procureur romain
considéra l'interrogatoire comme terminé. Il alla chez les Juifs et leur dit :
« Moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation» (cf. Jn 18, 37- 38). Le
drame de Pilate se cache dans la question : Qu'est-ce que la vérité ? Ce
n'était pas une question philosophique sur la nature de la vérité, mais une
question existentielle sur son rapport à la vérité. C'était une tentative de se
dérober à la voix de sa conscience qui lui ordonnait de reconnaître la vérité
et de la suivre. L'homme qui ne se laisse pas conduire par la vérité se dispose
même à émettre une sentence de condamnation à l'égard d'un innocent. Les
accusateurs devinent cette faiblesse de Pilate et c'est pourquoi ils ne cèdent
pas. Avec détermination ils réclament la mort en croix. Les demi-mesures
auxquelles Pilate a recours ne l'aident pas. La peine cruelle de la
flagellation infligée à l'Accusé n'est pas suffisante. Quand le Procureur
présente à la foule Jésus flagellé et couronné d'épines, il semble chercher une
parole qui, à son avis, devrait faire céder l'intransigeance de la foule.
Montrant Jésus, il dit : «Ecce homo ! Voici l'homme !» Mais la réponse est :
«Crucifie-le, crucifie-le !» Pilate cherche alors à discuter : «Reprenez-le, et
crucifiez-le vous-mêmes; moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation»
(cf. Jn 19, 5-6). Il est toujours plus convaincu que l'Accusé est innocent,
mais cela ne lui suffit pas pour émettre une sentence d'acquittement. Les
accusateurs recourent à l'ultime argument : «Si tu le relâches, tu n'es pas ami
de l'empereur. Quiconque se fait roi s'oppose à l'empereur» (Jn 19, 12). La
menace est claire. Devinant le danger, Pilate cède définitivement et émet la
sentence. Mais non sans faire le geste lâche de se laver les mains : «Je ne
suis pas responsable du sang de cet homme; cela vous regarde !» (Mt 27, 24).
C'est de cette façon que Jésus a été condamné à la mort sur une croix, Lui le
Fils du Dieu vivant, le Rédempteur du monde. Tout au long des siècles, la
négation de la vérité a engendré souffrance et mort. Ce sont les innocents qui
paient le prix de l'hypocrisie humaine. Les demi-mesures ne sont pas suffisantes.
Il ne suffit pas non plus de se laver les mains. La responsabilité pour le sang
du juste demeure. C'est pour cela que le Christ a prié avec tant de ferveur
pour ses disciples de tous les temps : Père, «consacre-les par la vérité: ta
parole est vérité» (Jn 17, 17).
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