mardi 23 août 2016

Et si la polygamie africaine n’était qu’un leurre (par Pascal Djimoguinan)

            Il est courant d’entendre dans toutes les discussions les éloges de la polygamie africaine. Pour beaucoup, ce serait une valeur qui sort du fond des âges et qu’il faudrait absolument garder. On n’a jamais cherché à préciser de quoi on parlait exactement, ce qui fait que chaque fois que l’on parle de la polygamie africaine, on est en plein dans l’idéologie. La polygamie africaine ne serait-elle pas en réalité sinon une grande supercherie, au moins un pis-aller.
            Plutôt que de s’engager dans les méandres d’une discussion qui serait d’avance biaisée, relevons tout simplement quelques éléments que l’on rencontre dans le traitement des épouses là où il y a la polygamie. Nous allons cibler les mongos, au sud du Tchad dans le Logone Oriental pour notre étude.
            De prime abord, la première épouse jouit d’un statut particulier, privilégié. C’est pratiquement la seule épouse dont les cérémonies des épousailles sont entièrement célébrées.
            Après la cérémonie de la dot, lorsque la première épouse est accompagnée chez son époux, celui-ci doit payer avant que la famille de la femme n’installe le foyer qui donnera à celle-ci le droit de faire la cuisine dans son foyer. Elle devient la titulaire du foyer. Désormais, si le mari épouse une autre femme, pour que le foyer soit installé, c’est à la première femme qu’il faudra payer et il faut son accord pour que cela se fasse. Sans cela, la seconde épouse ne sera toujours que comme de passage, sans être définitivement installée.
            Par son mariage, la première épouse acquiert un droit sur le grenier du mari. Elle seule, parmi les autres épouses, a le droit d’entrer dans le grenier et de distribuer le céréale qui s’y trouve.
            Il y a bien de règles à propos des champs. La première femme doit être la première à aller au champ avant que les autres ne puissent s’y rendre.
            Au moment des récoltes, même dans les champs des épouses, celles-ci ne peuvent pas commencer la cueillette du produit sans qu’elles n’aient demandé à la première épouse de venir commencer symboliquement en ramassant quelques gombos.
            A la mort de la première épouse, ses droits ne passent pas automatiquement à la seconde épouse. Il faudra que celle-ci puisse payer les droits de regard sur les greniers et sur les partages des récoltes à la famille de la défunte pour pouvoir officier comme titulaire.
            Comme nous pouvons le constater, c’est improprement que l’on parle de polygamie dans la culture mongo ; finalement, le mari n’a qu’une seule femme et les autres sont des concubines officielles. Au lieu de polygamie, on devrait plutôt parler de monogamie « élargie ».

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