« Si
tu es pur, le cobra pourra te mordre, tu n’auras pas la fièvre. Mais comment le
cobra pourrait-t-il te mordre si tu es pur ? ».
Ainsi parle le sage Ramdranath.
Le cobra, dans la pensée du sage, c’est la mauvaise
agressivité qui sommeille en chacun de nous, dans les replis de l’inconscient,
et qui, soudain, dresse sa tête renflée et sifflante, attaque et mord,
déchirant l’unité. C’est la colère de l’homme dont il est écrit au Livre de vie
qu’elle ne produit pas la justice de Dieu.
Tel se trouble et s’emporte devant la faute de son frère.
Le cobra l’a mordu. Il se croyait pur. Il ignorait seulement ce qui le menait.
La source profonde de l’agir était secrètement empoisonnée. Est-ce que les eaux
du torrent qui tombe des neiges se troublent ? Elles gardent jusque dans
leur bouillonnement l’éclat des cimes.
Il y a un lien secret entre la pureté du cœur et la
douceur, entre la clarté des profondeurs et la sérénité, entre la sainteté et
la grande forme de la bonté.
Et peut-être la pureté n’est-elle rien d’autre, au fond,
que la transparence de l’être à la Bonté originelle.
Un homme, en tout cas, l’a cru. C’était un sage, lui
aussi, bien qu’il se souciât peu de le paraître. Il vit la pureté et la
tendresse se tenir la main, et toutes deux former le visage de Dieu.
(Eloi LECLERC, Exil et tendresse, Editions
franciscaines, 1983, pp. 5-6.