jeudi 7 novembre 2024

TCHAD: Peut-on encore espérer ? (par Pascal Djimoguinan)

 Au point où nous sommes, que faut-il penser de la situation politique ? Sur le plan démocratique, les jeux semblent déjà faits et les dés sont pipés. Les derniers mirages de la Conférence Nationale Souveraine se sont escomptés et l’on va tout droit vers un parlement monochrome.

Jusqu’au 22 octobre, on pensait que le pouvoir allait jusqu’au bout donner l’illusion d’une démocratie apaisée en allant aux élections législatives et communales avec ses partis satellites. C’était un coup de tonnerre qui a retenti lorsque monsieur Zen Bada, secrétaire général du parti au pouvoir, le MPS, a annoncé que son parti irait seul aux élections du 29 décembre. C’était la fin de la coalition présidentielle Tchad uni qui regroupait quelque 230 partis politiques qui avaient accompagné le président de la République pendant les élections présidentielles.

C’est à peine si plusieurs membres de cette coalition ne retiennent leurs larmes. Ils voient le ciel tomber sur eux, puisqu’ils attendaient en retour de leur allégeance une place au parlement. Beaucoup apprenaient ainsi leur première leçon de politique. Ils découvraient ainsi qu’en politique, seuls les intérêts comptent.

Le terrain semble maintenant favorable au MPS car les partis satellites n’ont pas d’assises pour se présenter seuls aux élections tandis que ceux pouvant faire le poids prônent le boycott.

Nous allons donc tout droit vers ce qui sera le monopole d’un parti Etat, sans opposition démocratique au parlement. Les acquis de la Conférence Nationale Souveraine sont désormais renversés.

Le Tchad se retrouvera avec les trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) entre les mains de l’Etat. Il n’y aura plus de contre-pouvoir pour les cinq années à venir.

Si l’on appelle la presse le quatrième pouvoir, pourra-t-elle vraiment jouer son rôle ? Il est clair que tout jouera contre elle car des lois liberticides seront votées pour la museler.

Les perspectives les plus pessimistes doivent être envisagées pour les années post-élections, à moins qu’une entente se fasse au dernier moment pour reporter les élections et permettre à tout le monde d’y prendre part. C’est ce que nous appelons de tous nos vœux car il y va de l’avenir du Tchad.



lundi 7 octobre 2024

Tchad : 20 octobre 2024 martyrs oubliés (par Pascal Djimoguinan)

 Voici que s’approche la date fatidique,

Date marquée en lettres de sang

Date faite de larmes et de morves.

J’écoute, que disent les journaux :

« Le 20 octobre 2022, des milliers de Tchadiens descendaient dans la rue pour protester contre la prolongation de la transition de deux ans. Des dizaines de personnes ont été tuées par les policiers et les soldats à N’Djamena. »

Mais tout le monde tourne son regard vers le mur

Tous feignent de ne pas voir

Ces morts effacés, oubliés, niés

Ils n’existent tout simplement pas

Car la realpolitik est passé par-là.

 

Mais les faits sont têtus

Si ces jeunes ne sont pas officiellement morts

Il y a cependant des cœurs qui saignent

Il y a des mères qui pleurent leurs enfants :

Un cri s’élève dans Rama, pleurs et longue plainte : c’est Rachel qui pleure ses enfants et ne veut pas être consolée, car ils ne sont plus (Matthieu 2,18).

Des milliers de Rachel ne sont pas entendues et leur peine est niée.

Elles sont néantisées car elles ne font pas le poids.

 

Mais les faits sont têtus, le 20 octobre approche.

Qui se rappellera ces innocents tombés ?

Qui marquera d’une pierre blanche leur passage ?

Je ne pleurerai pas, on ne pleure pas les martyrs

J’énoncerai tout simplement le courage.

Vive un Tchad épris de justice et de paix

Honneur à vous, martyrs pour un Tchad nouveau.



dimanche 22 septembre 2024

TCHAD : qui se rappelle encore les cahiers de chants des années 70s ? (par pascal Djimoguinan)

 Le Tchad a également connu les années d’insouciance qui précèdent les grands bouleversements, notamment la guerre civile de 1979. Les jeunes et moins jeunes, ont essayé de mordre à pleine dent à ce que leur offrait la vie. Les écoliers de années 70s mettaient toute leur joie à posséder des cahiers de chants. Nous choisissons au hasard une des chansons. Il est possible d’ajouter des couplets oubliés ou de corriger des stances qui ne seraient pas justes.

1 L'espérance se nomme JST (bis)

Entre tes mains l'avenir reprendra,

Reprendra ses chansons merveilleuses.

2 Souviens-toi de l'oiseau cher ami (bis)

Qui fait son nid dans les branches brin par brin,

Brin par brin, brindille par brindille.

3 Finalement, termine un joli nid (bis)

Où habite sa famille avec lui

Avec lui parmi les oiselets.

Mon départ sera un jour férié (bis)

Pour visiter toutes les filles coin par coin.

Coin par coin, de maison en maison

samedi 14 septembre 2024

Tchad : Découpage administratif et électoral, la botte sécrète de Mahamat Kaka (Par Pascal Djimoguinan)

 Le microcosme politique tchadien est en effervescence. Une ordonnance a été publiée le 4 juillet 2024 au Tchad. Elle porte sur la restructuration des unité administratives. L’ordonnance n° 001/PR/2024 a introduit plusieurs changements significatifs ; le Tchad est désormais composé de 23 provinces, 120 départements et 454 communes. Il y aura 165 députés, avec un député par circonscription électorale, plus un autre dans les circonscriptions comptant plus de 90.000 électeurs. Quatre sièges sont réservés aux Tchadiens de l’étranger.

Le problème qui se pose, est que le nombre de députés n'a pas été équilibré, chaque département devant avoir un député, ce qui crée des disparités. Le quota de sièges accordés aux députés de la province de l'Ennedi-Est fait couler beaucoup d’encre dans l’opposition.

Par ailleurs, la date des élections législatives afin de renouveler les 188 membres de l’assemblée nationale a été fixé au 29 décembre 2024. Le corps électoral sera convoqué le 29 novembre et la liste définitive des électeurs sera publiée le même jour. La campagne électorale débutera le 7 décembre et prendra fin le 27 décembre. Les dépôts des candidatures auront lieu du 19 au 28 octobre 2024 et les résultats définitifs seront connus le 3 février 2025.

Deux griefs concentrent la lutte de l’opposition et de la société civile. Le premier étant le déséquilibre créé par le fait que certaines régions sont surreprésentées alors que d’autres, bien qu’étant plus peuplées, sont lésées. Le second grief est que la compagne électorale et les élections auront lieu pendant le temps de Noël, ce qui ne respecterait pas le temps liturgique des chrétiens.

Il se trouve que les faits ci mentionnés sont trop gros pour avoir échappé aux législateurs. Nous estimons qu’en fait, il ne s’agit que de l’arbre qui cache la forêt.

En réalité, la botte secrète de Mahamat Kaka, est de se défaire du MPS (Mouvement Patriotique du Salut). Certes il a eu besoin de ce parti, hérité de son père pour mener le dialogue national, la Transition, puis les élections présidentielles. Mais avec le temps, ce parti commence, comme tout héritage, à être pesant. Mahamat Kaka ne voudrait pas continuer à porter le passif de ce parti et supporter la pression de ses pontes.

Cette mise à l’écart du MPS se fera en douce. D’abord, le régime s’appuiera sur les représentations régionales. Les députés de certaines régions sauront qu’ils sont là grâce au président. Ils formeront un groupe parlementaire tel que le président n’aura plus besoin du MPS. Mis sous pression, le MPS changera de nom pour devenir le parti du président, sinon un nouveau parti sera créé. La MPS commencera alors sa descente aux enfers.

Ce sera avec ce nouveau partie que le présidera entamera la prochaine campagne présidentielle car, la Transition n’étant pas un mandat, le président se présentera pour le second mandat. Les législations ne serviront que de ballon d’essai. Qui vivra verra.




dimanche 11 août 2024

TCHAD/LU POUR VOUS : Le Père Madou libéré 24 heures après son arrestation

 " Le Père Madou va bien, même s'il dit avoir subi des mauvais traitements lors de son arrestation ", affirme à l'Agence Fides une source de l'Eglise locale de la capitale du Tchad, N'Djamena. Notre source, qui a requis l'anonymat, a rencontré le Père Simon-Pierre Madou Baïhana, curé de l'église Bienheureux Isidore Bakandja de Walia Goré, qui avait été arrêté dans la soirée du 5 août (voir Fides 6/8/2024), et qui a été libéré hier, 6 août.

"Sa libération est intervenue moins de 24 heures après qu'il ait été enlevé par des agents de sécurité en civil, d'une manière qui a fait craindre un enlèvement par des bandits ", rappelle la source de Fides. "La manière dont il a été arrêté, le fait que le procureur n'ait pas entamé de procédure formelle d'accusation et sa libération rapide font penser à un acte d'intimidation à l'encontre d'un prêtre qui a pris des positions critiques à l'égard du gouvernement".

"La réaction instantanée de Mgr Goetbé Edmond Djitangar, qui a immédiatement publié un communiqué sur l'arrestation du prêtre (voir Fides 6/8/2024) et la forte mobilisation des laïcs catholiques ont probablement contribué à la libération rapide du Père Madoua", souligne notre source. Dans un entretien accordé aux médias locaux, le Père Madou a même déclaré que "ma détention a été de courte durée parce que beaucoup de personnes sont intervenues pour ma libération, à commencer par l'archevêque Djitangar".

Le père Madou a été accueilli par une foule en liesse à son retour dans sa paroisse hier après-midi. Malgré son état de santé précaire, le Père Madou a tenu à célébrer la messe, après avoir salué et embrassé ses paroissiens. (LM) (Agence Fides 7/8/2024)



vendredi 2 août 2024

LU POUR VOUS/TCHAD - Nomination du nouveau directeur des Œuvres Pontificales Missionnaires

Le 22 avril, le Cardinal Luis Antonio G. Tagle, Pro-préfet du Dicastère pour l'Evangélisation, a nommé le Révérend Père Benoit Mbainada du clergé de Moundou comme Directeur National des Œuvres Pontificales Missionnaires (OPM) au Tchad pour un mandat de cinq ans. Le nouveau directeur des Œuvres Pontificales Missionnaires est âgé de 55 ans et a été ordonné prêtre en 1999. Après son ordination sacerdotale, il a été nommé curé in Solidium des paroisses de Bao-Mbalkabra (1999-2001), modérateur des paroisses Deli-Ndoguindi et quasi paroisse de Krim-Krim (2001-2005), curé de la paroisse "Saint Jean" à Dombao (2007-2011), administrateur des paroisses "Bon Pasteur de Koutou" (2011-2012) et "SSPP" à Doyon (Moundou : 2013-2014), curé des paroisses "SSPP" de Doyon (Moundou : 2014-2015), "Croix Glorieuse" de Krim Krim (2015-2019), Cathédrale "Sacré Cœur" de Moundou (2019-2020), Membre de la Commission diocésaine des vocations (2000-2005) et responsable de la même Commission (2005-2023), Secrétaire général de la Commission nationale des vocations (2006-2013), Directeur spirituel "du foyer séminaire" (2007-2013), Vicaire général (2009-2020). Membre de l'Equipe Pastorale Diocésaine depuis 2019, Secrétaire Général de la Commission Nationale des Vocations (2021-2023), Aumônier Diocésain du mouvement "Dewnodji" depuis 2022.
(EG) (Agence Fides 31/07/2024)



jeudi 30 mai 2024

TCHAD : Malheur aux vaincus (par Pascal Djimoguinan)

 Nous connaissons tous le vieil adage séculaire « Malheur aux vaincus », attribué à Brennus, chef Gaulois, lors de la prise de Rome en 390 avant notre ère. Ces mots traduisent l’atrocité et l’esprit de vengeance inhérente à toute guerre, surtout dans des sociétés non policées.

De la crainte qu’engendre une victoire, crainte que le vaincu d’aujourd’hui ne fourbisse ses armes pour vaincre demain, est née une barbarie dont l’objectif est de briser dans l’œuf tout idée de révolte ou de reconquête.

La barbarie s’exprime alors par la peur et l’humiliation.

 Il s’agit donc d’abord de faire peur à l’ennemi en faisant étalage de son arsenal et en brisant dans la force ce qui ressemble de près ou de loin à une expression de l’identité du vaincu : arrestations, assassinats etc.

Ensuite, il faut humilier le vaincu de telle sorte qu’il perde complètement sa dignité et n’ose plus relever la tête. ; on arrache donc les femmes des vaincus, on viole celles qui ont osé parler, châtiments corporels et moraux publics.

Voilà ce qui risque d’arriver au Tchad si la loi n’est pas respectée. Après les élections présidentielles qui viennent d’avoir lieu, dans le camp des vainqueurs, il y a trop d’esprits revanchards qui ne cherchent qu’en découdre avec les opposants, principalement les Transformateurs.

Il y a déjà des signes avant-coureurs de la mise en pratique de l’adage « malheur aux vaincus ». Il y a d’abord eu la démonstration de force à la suite de l’annonce des résultats provisoires (tirs, arrestations, intimidations…) Des tentations d’humiliation ont déjà commencé à l’égard des Transformateurs et cela risque d’aller, crescendo, jusqu’à l’horreur totale. Les femmes surtout doivent être prudentes ces jours-ci. Les hommes également vont connaître les pires humiliations, si leur vie n’est pas mise en danger.

Il est encore temps d’arrêter le processus diabolique qui se met en place et le gouvernement se trouve face à ses responsabilités.

Il faut se rappeler que nous sommes dans une république et ce qu’on appelle la Vème République ne saurait déroger à ses devoirs : le respect et la protection des citoyens, de tout citoyen.

Au Tchad, une lecture uniquement régionale qui sépare le pays en Nord et Sud est obsolète. La fracture est de plus en plus générationnelle et il faudra en tenir compte dans les analyses politiques et dans les projets de sociétés. Quitter la logique de la violence est, en fin de compte, bénéfique pour tous.