mardi 31 décembre 2024

La spiritualité ignatienne et l’écologie (par Pascal Djimoguinan)

En février 2019, la Compagnie de Jésus annonçait les quatre Préférences apostoliques universelles (PAU) qui seront à la base de la mission des jésuites pour les dix années suivantes. L’une de ces quatre PAU est une invitation à « Travailler avec d’autres pour la sauvegarde de la maison commune », en lien avec l’encyclique du pape Laudata si. Si cet engagement écologique est en lien avec l’encyclique, il faut dire que dans la spiritualité ignatienne-même, on trouve dès l’origine des germes écologiques. Si cette spiritualité est basée sur les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola, on peut dire qu’on y trouve déjà les ferments qui rendront le pape, lui-même jésuite, sensible à la sauvegarde de la nature. En visitant les Exercices, nous tenterons de faire ressortir quatre points qui sont les pierres d’attente de l’écologie.

1- Principe et fondement comme point de départ :

Au début des Exercices, au numéro 23, nous trouvons un court texte qui a pour titre Principe et fondement, qui pose le fondement de toute la spiritualité ignatienne. Dans une relation triangulaire entre Dieu, l’homme et la création, Ignace donne l’importance de la création comme don fait à l’homme pour l’aider à rendre un culte à Dieu. La création est donc prise dans sa juste mesure. Elle vient de Dieu et doit tourner l’homme vers Dieu. Notre maison commune, nous la recevons de Dieu. Sans la déifier, nous devons donc en prendre soin. Si c’est un don de Dieu, il faut savoir la recevoir dans la louange et l’action de grâce.

2- Composition des lieux

Dans le premier exercice, saint Ignace donne des conseils pour la prière. Dans le premier préambule, il demande pour la prière qui va suivre et toute les autres, de faire la composition des lieux. Il s’agit dans la contemplation de ce qui est visible, de voir avec la vue de l’imagination le lieu matériel où se trouve la chose que je veux contempler [47].

Dans toute la prière ignatienne, la nature est présente. Il ne s’agit pas de ce vider l’esprit, mais de le remplir du réel de sorte qu’il soit une aide. La mer, le désert, les bourgs, les personnages, tout est présent et tout accompagne l’orant dans sa quête de Dieu. La maison commune est intégrée dans la prière ignatienne et devient ainsi une aide qui peut aider, en cas de distraction, à revenir à la prière.

3- Application des sens :

Dans la prière ignatienne, l’application permet d’utiliser les cinq sens dans la prière. Il s’agit donc de voir, avec la vue de l’imagination, d’entendre avec les oreilles, de sentir par l’odorat, de goûter par le goût et enfin de toucher par le tact. L’application permet de se rendre présent à la nature, de s’ouvrir à la sensibilité de tout ce qui nous entoure, de s’y intégrer pour pouvoir la saisir de l’intérieur. Il ne s’agit plus ici d’une écologie superficielle, mais de faire partir de la nature dont on est un élément.

4- La contemplation pour parvenir à l’Amour :

Le dernier exercice est la contemplation pour parvenir à l’Amour [230-237]. Dans cet exercice, il s’agit d’abord de se rappeler les bienfaits (dont la création) reçus de Dieu. Dans un deuxième temps, on voit comment Dieu habite dans les créatures et cela dans toute l’échelle de la création : dans les éléments, dans les plantes, dans les animaux et dans l’homme. Enfin, il s’agit de considérer comment tous les biens et tous les dons descendent d’en haut.

Il s’agit de voir Dieu dans toute la création ; on s’exerce ainsi à découvrir Dieu présent dans le moindre brin d’herbe. Dieu est ainsi présent dans toute la création. Une fois que cette découverte est faite, on comprend que c’est une œuvre pieuse que de « Travailler avec d’autres pour la sauvegarde de la maison commune », On peut ainsi trouver Dieu en toute chose. Voilà comment il faut vivre et faire l’écologie. 

samedi 14 décembre 2024

TCHAD Au cœur du conflit nord-sud de Rodrigue Naortangar (par Pascal Djimoguinan)

 Rodrigues Naortangar nous fait cadeau d’un livre dont rien que le titre est évocateur et alléchant : Tchad : Au cœur du « conflit nord-sud ». Ce livre de 254 pages, paru aux Presses de l’ITCJ (Institut de Théologie de la Compagnie de Jésus) a été édité le 22 mars 2024 à Abidjan. L’auteur, à la fois ethnologue et théologien, utilise ses compétences scientifiques pour titiller la sensibilité des ses concitoyens. Il suffit de voir le titre de l’ouvrage. Les guillemets en disent plus long que ce qu’ils contiennent. L’expression nord-sud est au Tchad une marmite d’émotions bouillonnante ; elle clame ce que personne n’ose avouer. Le sous-titre vient à point pour éclairer le propos : Une lecture anthropologique de la guerre civile de 1979-1980.

Ce livre très documenté remonte à l’origine de tous les problèmes du Tchad, comme on remonte à la source pour trouver l’eau la plus fraîche et le plus pure. Ainsi, il voit déjà, dès avant la colonisation la mise en place du terreau où va germer et se développer le problème tchadien. La colonisation ne fera qu’un catalyseur dans les conflits qui éclateront plus tard. Tels de poupées russes, les événements s’enchaînent les uns aux autres jusqu’à l’explosion de la guerre civile.

Les événements de 1979 transformeront l’état de guerre larvée dans lequel se trouve le Tchad depuis plusieurs années en guerre civile ouverte. Rodrigue Naortangar, en tant que pasteur et scientifique, revisitera tous les événements vécus pour faire ressortir ses différentes implications et faire prendre conscience des enjeux qui traversent les années pour être encore présents aujourd’hui dans le vécu des tchadiens. On voit défiler le CSM (Conseil Supérieur Militaire) et le FROLINAT éclaté, qui seront les acteurs majeurs du conflit.

Pour comprendre le Tchad d’aujourd’hui, ce livre est incontournable. Il faut donc visiter ce livre qui revisite toutes les maladies infantiles du Tchad pour faire apparaître les carences à combler.



vendredi 6 décembre 2024

TCHAD : L'imbroglio d'un pays atypique.(par Pascal Djimoguinan)

 Au Tchad, la tentation est grande. Faire comme les Etats de l’AES et chasser l’armée française au nom de la souveraineté, au nom d’une certaine souveraineté. Ce qui semble clair sur le papier ne l’est pas en réalité. N’est-on pas en train de mettre la charrue devant les bœufs et de jeter le bébé avec l’eau du bain ?

Pour le président Mahamat Kaka, le départ des troupes françaises du Tchad semble un coup de poker politique qui semble le libérer de l’aliénation d’une tutelle qu’il porte à fleur de peau et dont les fils blancs dont il est cousu sont trop apparents.

            Le gouvernement s’appuie sur le climat anti-français ambiant, pour dénoncer l’accord de coopération militaire avec la France. Bien que cela relève de la pure démagogie, le gouvernement joue à l’innocent trahi dans sa bonne foi…

S’expliquant sur l’arrêté du 29 novembre 2024 mettant fin à la coopération militaire avec la France, le ministre des affaires étrangères du Tchad a estimé que cette décision était le résultat d’une analyse approfondie, visant à renforcer la souveraineté nationale et à garantir la sécurité des citoyens.

De fil en aiguille, une commission spéciale a été mise en place pour résilier les accords militaires avec Paris, et des manifestations voient le jour dans différentes villes pour soutenir la décision.

Parfois, c’est dans l’hilarité générale qu’il faut jouer aux Cassandres.

On fait rapidement la comparaison avec les pays de l’AES en oubliant le vieil adage français qui dit que « Comparaison n’est pas raison ». Cet adage attribué à Raymond Queneau a bien sa place ici, vue que le Tchad ne ressemble pas à ces pays. Il est bien atypique. En effet, placé aux confins du Soudan et de la Lybie, le Tchad a toujours fait l’objet de la convoitise de ces pays. Mal aimée, la France a toujours été le mal nécessaire qui a servi à l’équilibre du Tchad face aux intérêts divergents venant de ces pays, plutôt orientés vers l’Orient arabe avec des risques d’intégrisme religieux. Il faut dire qu’avec le départ de la France, le Tchad se retrouvera seul face à ces pays, qui, en plus, sont en guerre.

Il y a donc à parier que les conflits de la Lybie et du Soudan vont s’étendre au Tchad, qui, plus est, joue mal au pompier pyromane.

Le Tchad se retrouve ainsi dans la fournaise ardente avec l’affaire Yaya Dillo mal réglée, la guerre du Soudan qui génère des réfugiés et dans laquelle malgré se dénégations, il prend part,

Aux frontières méridionales du Tchad, les russes sont aux aguets, sachant que la nature a horreur du vide. Face aux appels d’air provoqués par l’instabilité générée par la Lybie et le Soudan, le Tchad se tournera vers les russes, mais la situation ne sera pas pour autant maitrisée.

Il va sans dire que nous allons tout droit vers des lendemains dont personne ne peut se porter garant. Le Régime lui-même pourra-t-il s’en sortir ? Rien n’est moins sûr. Il ne reste donc qu’à croiser les doigts en espérant que le Tchad ne retournera pas à l’ère des tendances politico-militaires