mercredi 4 novembre 2020

La foule réfléchit-elle ? (par Pascal Djimoguinan)

             Il m’a été donné d’apprendre pendant le week-end un proverbe ngambaye qui en dit long sur la manière dont certains voudraient mener les affaires dans les plus hautes sphères de l’Etat. Notre réflexion portera sur les inférences possibles que l’on peut faire de ce proverbe : Bula ojə mbə́ : Le grand nombre produit l’idiot.

            Une première leçon à tirer est que ce n’est pas parce qu’on est les plus nombreux à partager une idée qu’elle est juste et vraie.

            Si le grand nombre menait à la vérité, les moutons auraient toujours raison.

            Le fait d’être dans une majorité quelconque n’interdit pas la réflexion. Or, il se trouve que sous nos yeux, il suffit qu’une personne soit dans une soi-disant majorité pour qu’elle démissionne de toute réflexion et se livre bras et pieds liés à la pensée d’autres.

            Elles sont nombreuses, les personnes qui laissent leur cerveau se scléroser et se laissent uniquement guider par les traditions, les pensées sur mesure, les gourous.

            Il est si difficile de penser par soi-même. C’est une entreprise tellement risquée que beaucoup ne s’y engagent pas. Pourquoi réfléchir si d’autres peuvent le faire à notre place. En fait c’est une attitude quasi suicidaire que de ne pas faire usage de sa faculté de penser.

            Celui qui refuse de penser par soi-même ne doit pas s’étonner lorsque les conséquences de sa démission commencent à tomber sur lui.

            Etre formateur, c’est enseigner aux autres de ne pas dépendre de nous mais à être capables de prendre des initiatives, à oser interroger l’avenir et à être vraiment libre. Il faut avoir le courage de ne jamais se présenter en gourou. Pour cela, il faut commencer par ne pas avoir un égo surdimensionné.

            Il est plus facile d’élever des moutons que de former des humains. A chacun de s’engager sur ce chemin de la formation humaine.

            La foule a souvent l’esprit grégaire, c’est pourquoi il faut toujours être capable d’autonomie, même quand on fait partie d’un groupe, même quand on est dans la majorité.

            Soyons humain. Bula ojə mbə́. 




lundi 2 novembre 2020

TCHAD : Forum National Inclusif, interrogations d’un candide naïf (par Pascal Djimoguinan)

            Qu’il me soit permis de me poser des questions, moi un pauvre citoyen naïf. Je sais que de grandes assises se tiennent pour l’avenir du pays mais je n’y comprends pas grand-chose. Je vais d’interrogation en interrogation sans que des éléments de réponses ne viennent me chatouiller l’esprit.

            Un forum national inclusif, le deuxième vient de se ternir à N’Djamena du 29 au 30 octobre (ajourné au 31). Il semble que bien de choses, très importantes pour le pays, ont été débattues, retenues, pour que notre pays aille mieux. Je ne savais pas que notre pays allait mal. A qui la faute, si notre pays ne va pas mieux ? Sans doute est-ce la faute au citoyen Lambda…

            Quand je regarde les dates, cela me rappelle que les échéances des élections présidentielles ne sont plus qu’à six mois. Naïvement, je me demande si à six mois des élections présidentielles, on peut décider des choses qui engagent la vie de la Nation, dont certaines touchent la Constitution du pays. Si notre pays est démocratique et que les élections sont censées être libres et ouvertes, a-t-on vraiment le droit d’agir ainsi ? Le président nouvellement élu ne serait pas capable d’un politique qui lui soit propre.

            Il parait que le drapeau national pose problème. Depuis l’indépendance, nous aurions porté ce problème et c’est maintenant que nous devrions y apporter une solution. Mais personnellement je ne vois pas où se trouve le problème (posez la question à la Roumanie et à Andorre, s’ils sont gênés d’avoir les mêmes couleurs que nous). Je me rappelle un certain Mobutu qui a changé le drapeau de son pays ; après lui, les anciennes couleurs sont revenues.

            Il parait qu’il n’y aura plus de liberté d’expression. Celui qui sera pris en flagrant délit de lèse-majesté, sera déchu de sa nationalité. Peut-être que l’Etat tchadien s’arrangera à lui trouver une autre nationalité car je ne sais pas les textes internationaux autorisent qu’un homme soit sans nationalité… La proscription est-elle permise par nos textes ?

            J’ai appris que les forums doivent revenir tous les deux ans. Je ne sais pas si tous les deux ans, on doit tripatouiller la Constitution du Tchad. Mais qu’est-ce qui nous prend, mes chers compatriotes ? Sommes-nous si instables que même les textes qui légifèrent notre pays ne peuvent tenir. Sommes-nous un Etat girouette, qui bouge au grès du vent ?

            Et pendant ce temps, qu’est-ce qui se passe dans le pays ? La paupérisation de la couche la plus vulnérable de la population s’accentue, l’éducation va à vau-l’eau, le népotisme prend une ampleur inégalée, la corruption est à son comble, l’électricité est un luxe, la tension entre les différentes communautés est exacerbée, la prévarication est érigée en vertu.

            Je ne suis qu’un naïf citoyen. Peut-être que d’autres ont des réponses très claires. Moi, je suis perdu dans tout cela. Que Dieu sauve le Tchad.