Dis-moi comment tu roules sur la route et je te dirai qui
tu es. La route pourrait être le révélateur de ce qu’est un pays. Or au Tchad,
chaque personne qui se hasarde à sortir de chez elle doit suivre un vrai
parcours du paysan en affrontant la cohorte des motocyclistes (localement
appelés les « clandos » ou « clandoman ») d’un côté et des
véhicules à quatre roues de l’autre. Les piétons ne sont pas de reste dans ce
feuilleton digne du film « Mad max ».
Le point de départ est un adage bien tchadien qui fausse
tout dès le point de départ. « Quand il y a un accident, c’est l’engin le
plus puissant qui doit payer. » Cet adage est le déni de toute loi
objective sur la route et il est bien étonnant que les forces de l’ordre
chargées de la sécurité routière s’y tiennent. C’est la « loi de l’anarchie
totale » car elle vient avaliser le non-respect du code de la route.
Il suffit de se promener sur la route pour prendre
conscience de l’état du civisme des usagers de la route.
- Les motocyclistes sont les maîtres absolus de la route.
Ils n’ont d’autres lois que celles qu’ils imposent. Ils roulent en plein milieu
de la chaussée et n’hésitent pas à slalomer entre les voitures pour aller plus
vite. Elles s’arrêtent brusquement, sans donner l’alerte, pourvu qu’ils
puissent prendre le client qui leur fait signe de s’arrêter. Beaucoup n’hésitent
pas à aller à contrevoie sur les routes à double voie pour avoir un raccourci.
La joie des motocyclistes est de toujours doubler les voitures et ne pas être
dépassés par elles. Ils ne se passent de jour où les motos entre en collusion
entre elles-mêmes, causant sinon la mort, du moins de graves blessures chez
leurs clients
- Les voitures dont les taxis, roulent de manière
anarchique sur la route. Les taxis peuvent s’arrêter à n’importe quel moment
pour prendre les clients. Il n’est pas sûr que tous les chauffeurs des
véhicules privés aient leur permis de conduire. La preuve en est que beaucoup
ignorent les panneaux de signalisation routière (dans les endroits où ils
existent).
- Les camions sont des tombeaux ambulants. La plupart n’ont
pas de freins. Les bennes particulièrement, participent à leur manière au défi
de la surpopulation dans les villes. Il est aussi étonnant de voir comment ils
sont chargés. Cela inquiéterait les usines qui les ont fabriqués car toutes les
consignes de sécurité ne sont pas respectées. Seul compte pour les propriétaires
de ces camions l’appât du gain. Il suffirait que les municipalités décrètent
une journée pour les victimes des bennes au Tchad pour se rendre compte de l’ampleur
du dégât. Malheureusement cela n’intéresse pas les autorités.
- Les différents cars qui desservent les différentes
villes du Tchad qui appartiennent aux agences de voyages dont les noms tiennent
beaucoup plus d’un club-Med, se croient toujours sur un circuit de formule 1.
Il est étonnant qu’avec un nombre aussi important de gros cars circulant dans
le pays, il n’y ait pas d’unité mobile de police routière pour surveiller (même
s’il est vrai qu’au Tchad, les autorités attendent toujours qu’il y ait un
drame avant de réagir).
- Les piétons ne respectent plus les voies réservées aux
engins. Ils circulent en plein milieu de la chaussée et ne veulent pas céder le
passage. Les chauffeurs et les motocyclistes doivent eux-mêmes se frayer un
passage en évitant de renverser les passants.
Il faut alors se demander si le code de la route est
encore en vigueur au Tchad et si tel est le cas, pourquoi la police ne la fait
pas respecter ? Sans doute parce qu’on trouve cela normal. A tous les
niveaux, on pense au Tchad que la loi est faite pour être contournée, ignorée.
Comment, dans ce cas, construire un état de droit. C’est dans les choses
simples que commence l’esprit citoyen. Prend-on conscience que celui qui brûle
un feu rouge brûlera le pays ?